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Homélies catholiques de la Martinique

les homélies d'un prêtre catholique en paroisse, ayant prêché de nombreuses retraites en foyer de charité

Homélie 4 T.O.A 2008 - Les Béatitudes: portrait fidèle de Jésus, programme révolutionnaire de l'Église (Mt 5, 1-12)

undefined    Dans les chapitres 1 et 2 saint Matthieu nous a présenté Jésus comme Messie et Nouvel Israël. Les chapitres 3 et 4 nous ont montré son investiture messianique lors de son baptême comme accomplissement de l'attente du peuple, mais en contradiction avec ses conceptions du Messie. Nous abordons aujourd'hui le "Discours sur la montagne" qui occupe les chapitres 5 à 7 dans l'Évangile de saint Matthieu.

    Nous n'avons entendu aujourd'hui que le début du discours. Pour entendre la suite, nous devrons attendre la reprise du Temps Ordinaire après le Temps Pascal, car dimanche prochain, ce sera déjà le premier dimanche du Carême.

    Saint Matthieu, dans le but spécifique qu'il s'est fixé en rédigeant son évangile, et dont nous avons parlé dimanche dernier, a composé ce discours à partir d'éléments divers, dont nous retrouvons des éléments chez saint Marc et saint Luc. Mais l'essentiel, l'originalité de saint Matthieu, se manifeste surtout par sa façon de structurer ces éléments.

    Une première partie, celle que constitue l'évangile de ce dimanche (5, 3-16), est appelée "les Béatitudes". Elles sont présentées par l'évangéliste comme accomplissement de la Loi. Lui seul fait parler Jésus "sur la montagne". C'est une évocation du don de la Loi sur la montagne du Sinaï (cf. Ex 24, 1-2.9). Benoît XVI (Jésus de Nazareth p. 91) nous exhorte à ne pas écouter ceux qui voudraient présenter les Béatitudes comme l'antithèse - et donc l'abolition - du Décalogue, alors qu'elles en constituent l'accomplissement.

    L'auditoire comprend "les foules", qui reparaîtront à la fin du discours (7, 28), et "ses disciples", terme que saint Matthieu emploie ici pour la première fois dans son évangile. Nous pouvons y voir en filigrane l'image des premières communautés chrétiennes après la Pentecôte, groupant à la fois les disciples (les néophytes), les catéchumènes et la foule des païens qui étaient venus pour écouter la proclamation de la Parole par le chef de la communauté chrétienne.

    Une deuxième partie, le corps du discours (5, 17 - 7, 12), est un long développement sur "la justice du Royaume des cieux" dont la révélation est faite dans la personne de Jésus. Lui, l'accomplissement, situe l'homme en vérité devant le Père et devant ses frères, et manifeste les exigences de l'engagement auquel il nous invite.

    Une troisième partie, la conclusion du discours (7, 13-27), se présente comme une invitation pressante à prendre une décision qui doit prendre corps dans la vie et qui se vérifie à la valeur des fruits et à la solidité des fondements.

    Ce survol rapide nous permet de comprendre l'importance révolutionnaire des Béatitudes qui révèlent une dimension de la vie perceptible seulement au regard de la foi. Rien à voir avec un "idéal utopique" qui pousse à vivre dans les nuages de l'abstraction ou dans les tranchées de la résignation. Benoît XVI présente les Béatitudes comme un portrait de Jésus (Jésus de Nazareth, p. 95), de Jésus, le Verbe incarné. Le Père Verlinde commente, lui aussi :

Lorsque Nietzsche caricature le christianisme comme "la religion du ressentiment des pauvres" - entendons : de ceux qui ne peuvent pas s’imposer dans ce monde-ci, et se convainquent que le bonheur les attend dans un autre - il a oublié de lire l’Évangile jusqu’au bout : car c’est à la lumière de la passion de Jésus que les Béatitudes prennent tout leur sens. C’est là que Notre-Seigneur nous révèle en quoi consiste la véritable pauvreté, douceur, compassion, miséricorde, justice, pureté de cœur, patience. Celui qui lit les Béatitudes à la lumière de la Croix, découvre que loin d’être l’éloge d'une tranquillité passive et béate, elles appellent à un engagement radical, concret, exigeant, ardu, proposé pourtant comme chemin de bonheur ; mais d’un bonheur vécu à contre-courant ce la mentalité dominante.

    Les Béatitudes sont bien plutôt un engagement à contribuer à faire advenir le Royaume de la libération et de la réconciliation proclamé par Jésus, et cela, au mépris de sa propre vie et en payant de sa personne. Quarante jours après la naissance de Jésus, ses parents s'en vont au Temple de Jérusalem, en offrant non seulement le sacrifice prescrit ("un couple de toruterelles ou deux petites colombes") mais leurs propres personnes en union avec leur Fils. Par le baptême nous sommes nous aussi consacrés pour faire de notre vie une offrande agéable à Dieu. Ne prétextons pas de notre pauvreté, car ce sont les riches qui s'excusent de ne pas donner. Les pauvres trouvent toujours moyen de donner (cf. 1e et 2e lect.).

    Les Béatitudes proposent donc une exigence d'engagement. À chacun de trouver les modalités concrètes, sachant que l'initiative revient à Dieu qui donne la force pour cela. Mais elles ne se réduisent pas non plus à un effort humain d'ordre politique ou social, comme si l'avènement du Royaume dependait de nos propres forces.  La solidarité humaine qui nous pousse à construire un monde plus juste, une paix véritable, se fonde essentiellement sur une fraternité qui a son origine dans la paternité universelle de Dieu et qui nous est donnée à vivre par Jésus en Église, dans une Église persécutée, oui, mais dans une Église heureuse d'être la famille de Dieu sur terre. Si donc, les Béatitudes sont le portrait de Jésus, elles sont aussi le programme de l'Église et de chaque chrétien.
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