"Dieu et Jésus-Christ ayant été exclus de la législation et des affaires publiques, et l'autorité ne tenant plus son origine de Dieu
mais des hommes, il arriva que... les bases mêmes de l'autorité furent renversées dès lors qu'on supprimait la raison fondamentale du droit de commander pour les uns, du devoir d'obéir pour les
autres. Inéluctablement, il s'en est suivi un ébranlement de la société humaine tout entière, désormais privée de soutien et d'appui solides (Pie XI, Ubi
Arcano, 23 décembre 1922".
Il y a quelques années j'avais été nommé aumônier d'un campus universitaire. Mon dernier prédécesseur en date avait
quitté son poste depuis déjà une dizaine d'années. Pendant une année, avec l'appui de l'archevêque, j'avais sollicité auprès des autorités universitaires un local pour pouvoir recevoir les
étudiants dans l'enceinte même du campus. Malgré de belles promesses, je n'ai jamais pu en obtenir un. Et lorsqu'on m'avait objecté le "dogme" de la laïcité, j'avais répondu que s'ils ne
voulaient pas d'un aumônier pour les étudiants, bientôt ils seraient obligés d'appeler les gendarmes. Et c'est ce qui est arrivé ... à peine une année plus tard. Oui, comment espérer avoir la
Paix du Christ si on rejette le Règne du Christ?
Et pourquoi rejette-t-on le Règne du Christ? De quoi a-t-on peur? Non seulement Jésus n'a pas eu de gardes qui se
sont battus pour qu'il ne soit pas livré aux Juifs, mais quand les Juifs voulaient s'emparer de lui pour en faire leur roi, il s'est enfui. Devant Pilate il affirme clairement: "Ma royauté ne
vient pas de ce monde". Hérode, alors que Jésus n'était encore qu'un nourrisson, se sentait déjà menacé. Une hymne pour la fête de l'Épiphanie (Crudelis
Herodes) dit à l'adresse d'Hérode et de tous ceux qui redoutent le règne du Christ:
"Il ne ravit point les diadèmes éphémères, celui qui distribue les couronnes du ciel."
La Royauté du Christ ne remet nullement en cause la séparation de l'Église et de l'État ni le principe de laïcité
bien compris. On entre dans le Royaume du Christ librement, par le baptême. Le Royaume de Jésus ne s'oppose pas aux royaumes du monde. Il ne s'oppose qu'au royaume de Satan par le sang versé de
l'Agneau vainqueur. Mais à ceux qui sont baptisés Jésus demande de témoigner sans peur jusqu'à verser leur propre sang, s'il le faut. Et l'Église demande aux États de pouvoir librement témoigner
de sa foi.
Devant Pilate le Christ proclame qu’il est "venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité". Le devoir des
chrétiens de prendre part à la vie de l’Église les pousse à agir comme témoins de l’Évangile et des obligations qui en découlent. Ce témoignage est transmission de la foi en paroles et en actes.
Le témoignage est un acte de justice qui établit ou fait connaître la vérité:
Tous les chrétiens, partout où ils vivent, sont tenus de manifester ... par l’exemple de leur vie et le témoignage de leur parole,
l’homme nouveau qu’ils ont revêtu par le baptême, et la force du Saint-Esprit qui les a fortifiés au moyen de la confirmation (AG 11).
Ainsi comprise, la solennité du Christ, Roi de l'Univers, est une invitation pressante à passer de l'apostasie au
témoignage:
Les fruits très amers qu'a portés, si souvent et d'une manière si persistante, cette apostasie des individus et des États désertant
le Christ, (...) Nous les déplorons de nouveau aujourd'hui. Fruits de cette apostasie, les germes de haine, semés de tous côtés; les jalousies et les rivalités entre peuples, qui entretiennent
les querelles internationales et retardent, actuellement encore, l'avènement d'une paix de réconciliation; les ambitions effrénées, qui se couvrent bien souvent du masque de l'intérêt public et
de l'amour de la patrie, avec leurs tristes conséquences: les discordes civiles, un égoïsme aveugle et démesuré qui, ne poursuivant que les satisfactions et les avantages personnels, apprécie
toute chose à la mesure de son propre intérêt. Fruits encore de cette apostasie, la paix domestique bouleversée par l'oubli des devoirs et l'insouciance de la conscience; l'union et la
stabilité des familles chancelantes; toute la société, enfin, ébranlée et menacée de ruine. (Pie XI, Quas Primas)
"Le martyre est le suprême témoignage rendu à la vérité de la foi; il désigne un témoignage qui va jusqu’à la mort.
Le martyr rend témoignage au Christ, mort et ressuscité, auquel il est uni par la charité. Il rend témoignage à la vérité de la foi et de la doctrine chrétienne. Il supporte la mort par un acte
de force. 'Laissez-moi devenir la pâture des bêtes. C’est par elles qu’il me sera donné d’arriver à Dieu' (S. Ignace d’Antioche, Rom. 4, 1). (...)
Rien ne me servira des charmes du monde ni des royaumes de ce siècle. Il est meilleur pour moi de mourir [pour m’unir] au Christ
Jésus, que de régner sur les extrémités de la terre. C’est Lui que je cherche, qui est mort pour nous ; Lui que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche .... (S. Ignace
d’Antioche, Rom. 6, 1-2)." (CEC, 2473-2374)
Oui, vraiment, si l'apostasie est la racine de tous les maux, la couronne des martyrs est le gage de la
paix:
Je te bénis pour m’avoir jugé digne de ce jour et de cette heure, digne d’être compté au nombre de tes martyrs ... Tu as gardé ta
promesse, Dieu de la fidélité et de la vérité. Pour cette grâce et pour toute chose, je te loue, je te bénis, je te glorifie par l’éternel et céleste Grand Prêtre, Jésus-Christ, ton enfant
bien-aimé. Par lui, qui est avec Toi et l’Esprit, gloire te soit rendue, maintenant et dans les siècles à venir. Amen (S. Polycarpe, mart. 14, 2-3, cité par CEC 2474).