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Homélies catholiques de la Martinique

les homélies d'un prêtre catholique en paroisse, ayant prêché de nombreuses retraites en foyer de charité

Homélie 32° dimanche du Temps Ordinaire C : L'évolution de la foi (Lc 20, 27-38)

Lectures du 32° dimanche du temps ordinaire C

    Cette année, le 32° dimanche du Temps Ordinaire coïncide avec le 11 novembre, date qui a marqué notre mémoire collective par la fin de la Grande Guerre avec ses millions de morts. En parcourant en voiture certaines régions de France pendant les grandes vacances, j'ai été frappé par les cimetières qui longent la route : non seulement des cimetières où sont ensevelis des Français mais aussi des cimetières anglais, canadiens, étatsuniens, etc...

    Il y a une dizaine de jours, nous nous sommes rendu aussi au cimetière de chez nous. Depuis, nous avons encore dû déplorer plusieurs décès dans notre communauté : des personnes déjà d'un certain âge, certes, mais dont la mort n'en reste pas moins une épreuve, non seulement pour notre sensibilité, mais aussi pour notre foi. Dix jours après la commémoration des défunts, la parole de Marthe à Jésus quatre jours après la mort de son frère, Lazare, résonne encore à nos oreilles :

Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort (Jn 11, 21).

    Jésus avait alors révélé à Marthe un "évangile", c'est-à-dire pas seulement une "bonne nouvelle", comme on traduit souvent (et mal), mais une vérité révélée par Dieu et qui constitue l'aboutissement d'un long et douloureux cheminement du Peuple d'Israël. Marthe, déjà, croyait ce que croyaient les Pharisiens (mais non les Sadducéens) et ce que croyaient les Juifs des générations précédentes, un à deux siècles avant Jésus Christ. Cette foi-là n'était pas encore le bout du chemin, mais par raport à celle des Sadducéens et des siècles précédents, c'était une avancée considérable. Ce n'était pas pour autant une époque facile. Au temps de Jésus Israël était occupée par l'armée romaine, comme elle l'était par Antiochus Épiphane deux siècles auparavant.

    Il faut savoir aussi que l'autorité canonique du livre dont est extraite la première lecture d'aujourd'hui n'était pas admise par les Juifs. Ce livre ne faisait pas partie de leur "bible". Pour notre foi chrétienne il est pourtant d'une importance capitale par les affirmations qu'il contient sur la résurrection des morts (7, 9 ; 14, 46), les sanctions d'outre-tombe (6, 26), la prière pour les défunts (12, 41-46), le mérite des martyrs (6, 18-7, 41) et l'intercession des saints (15, 12-16). C'est donc un livre dont il ne faut pas sousestimer l'importance !

    Tout comme pour nous aujourd'hui, il est important de prendre conscience du fait que la paix que nous connaissons aujourd'hui, même si elle n'est pas une paix parfaite, n'est pas une paix facile et évidente, mais une paix que nos ancêtres, dont certains sont encore en vie, ont conquise au prix de beaucoup de souffrances, ainsi nous autres, chrétiens du deuxième millénaire, devons-nous réaliser que la foi que nous avons reçue au baptême est une foi qui a mûri dans les mulitples épreuves de ceux qui nous ont précédés sur le chemin de la foi.

    À cet égard, lors des enseignements du jeudi soir dans la paroisse, à propos de la vocation de Jérémie, j'avais fait état du livre d'un auteur italien, H. Galbiati : Le fede nei personaggi della Bibbia (Milan 1979), dans lequel l'auteur distingue la foi réceptive de la première enfance de la foi oblative de l'adolescence. Il compare la première période à l'Ancien Testament, à la phase historique de croissance du peuple hébreu. Il parle ensuite de la foi de l'adolescence et la compare à la foi des Apôtres avant la Résurrection de Jésus. Enfin il décrit la foi de l'état adulte et la compare à la foi de l'Église après la Pentecôte.

    À notre petite mesure, nous avons tous pu faire ces différents types d'expériences. La foi, je l'ai reçue lors de mon baptême. C'est un cadeau, un don gratuit reçu de Dieu et de son Église. Je n'ai rien fait pour cela, comme je n'ai rien fait pour recevoir le lait maternel, sinon ouvrir la bouche et téter le sein maternel.

    Cette période, vous en conviendrez, n'a pas duré indéfiniment ! Progressivement j'ai été sevré en passant, par différentes étapes, du lait maternel à la nourriture solide. Le jour est arrivé où j'ai reçu les premiers rudiments du catéchisme. Il y avait encore une bonne part de réceptivité : écouter les leçons et les enseignements des catéchistes (certaines parmi vous savent ce que c'est que de faire la catéchèse !), mais il fallait quand même que j'y mette du mien. À l'époque, il fallait encore apprendre par coeur les questions et les réponses du catéchisme. Aujourd'hui encore, la foi reçue au baptême demande à être cultivée, comme la semence jetée dans un jardin demande des soins tout au long de sa croissance.

    Puis est arrivé le temps où j'ai moi-même dû pourvoir à mon alimentation. Ce n'était pas parce que maman faisait la grève ou parce qu'elle ne m'aimait plus, mais parce que le temps était venu pour moi de voler de mes propres ailes. Pareillement, il n'y avait plus de catéchisme. Il fallait que je prenne en main ma propre formation chrétienne, d'abord par la participation fidèle aux sacrements, mais aussi par la prière personnelle, des lectures, des temps de retraite, et ensuite les études de philosophie et de théologie, etc...

    Et maintenant, en tant que chrétien adulte et prêtre, à moi de me "dépenser" pour que les bébés, les enfants, les jeunes et aussi les adultes puissent continuer de recevoir l'Évangile pour pouvoir le transmettre à leur tour à leur entourage et aux générations suivantes.

    Pourquoi est-ce que je vous rappelle tout cela ? Parce que la tentation existe de ne pas vouloir grandir, de toujours rester dans cet état de réceptivité purement passive de notre petite enfance, et d'être littéralement des "demeurés" spirituels, des personnes qui croient que la vie ne consiste que dans une recherche permanente de plaisirs et d'expériences agréables que d'autres ont concoctés pour nous et que nous considérons comme un dû. ("Les autres", c'est l'État - le gouvernement -, c'est l'Église - le curé -, ce sont nos parents, etc...)

    J'ai l'impression très nette qu'aujourd'hui ce ne sont pas seulement des personnes qui vivent avec cette mentalité-là, mais des sociétés entières. Ce n'est certainement pas cela, la "voie d'enfance spirituelle" de sainte Thérèse de Lisieux !

    Qu'en est-il alors pour les vérités de foi auxquelles j'ai fait allusion plus haut, notamment de la foi en la résurrection ? Cette foi, nous l'avons reçue de l'Église, nous l'avons reçue des martyrs ! Ce serait faire preuve d'une amnésie très grave que de penser que la foi en Dieu qui ressuscite les morts, c'est la foi qui arrange tous nos problèmes, celle qui nous garantit le succès dans toutes nos entreprises et la réalisation de tous nos rêves et désirs, une sorte de foi sur mesure, en somme, la mesure de nos petites ambitions égoïstes.

    Je reçois périodiquement une lettre anonyme, non pas pour m'insulter ou pour me menacer, Dieu merci, mais pour me demander de prier pour l'auteur de ces lettres quand elle doit passer des examens. Ce n'est pas mauvais en soi (mieux vaudrait quand même ne pas cacher son identité), mais il ne faudrait pas que notre démarche religieuse se limite à cela...

    La foi, c'est comme la paix. Elle n'est jamais statique. Elle suppose une croissance permanente, et cette croissance n'est pas sans peine ni sans douleurs. Il y a quarante ans, le Pape Paul VI écrivait dans "Populorum progressio" :

Le développement est le nouveau nom de la paix.

    Dans le combat pour la paix, il n'y a jamais d'armistice. La paix n'est jamais acquise une fois pour toutes. C'est un combat permanent. Les 20 et 21 novembre prochains, au Vatican, le II° Congrès Mondial des organismes ecclésiaux travaillant pour la justice et la paix rassemblera plus de 300 délégués, venus de plus de 80 pays des cinq continents ; il se penchera sur le thème suivant : « 40° anniversaire de "Populorum Progressio" : le développement de tout l’homme, le développement de tous les hommes » ; il approfondira les nouvelles situations mondiales qui se sont créées après le document historique, et les problèmes actuels du développement, à la lumière de la doctrine sociale de l’Église ; il étudiera en particulier les problèmes de l’écologie humaine, du pluralisme et du dialogue interculturel, ainsi que de la nouvelle "gouvernance" dans le cadre de la globalisation. Une attention spéciale et un approfondissement particulier sera consacré à l’engagement pastoral de l’Église pour un développement intégral et au développement solidaire aujourd’hui dans le monde.

    Ce qui est vrai pour la paix vaut aussi pour la foi, la foi dans la résurrection notamment. Le justification par la foi est pour tout l'homme et pour tous les hommes. Et ce combat-là n'est pas seulement le combat du Pape, des évêques, des prêtres et des théologiens. Aujourd'hui encore, des milliers de martyrs versent leur sang pour la foi. (En ce dimanche est béatifié en Argentine, dans sa Patagonie natale, un jeune mapuche, Ceferino Namuncurá.) C'est un combat dans lequel nous avons besoin d'être aidés et consolés (cf. 2° lect.), mais que nous ne pouvons jamais mener par procuration, en nous contentant de le déléguer à d'autres. Pour que nos enfants et le monde dans lequel nous vivons puissent recevoir ce qu'il y a de plus précieux en cette vie, la foi dans la résurrection, ne soyons pas des déserteurs. Comme nous y invite saint Paul, prions pour que Dieu nous apporte le réconfort dont nous avons besoin mais ne fuyons jamais le combat :

Priez aussi pour nous, frères, afin que la parole du Seigneur poursuive sa course, et qu'on lui rende gloire partout comme chez vous. Priez pour que nous échappions à la méchanceté des gens qui nous veulent du mal, car tout le monde n'a pas la foi. Le Seigneur, lui, est fidèle : il vous affermira et vous protégera du Mal. Et, dans le Seigneur, nous avons pleine confiance en vous : vous faites et vous continuerez à faire ce que nous vous ordonnons. Que le Seigneur vous conduise à l'amour de Dieu et à la persévérance pour attendre le Christ.
 
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