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Homélies catholiques de la Martinique

les homélies d'un prêtre catholique en paroisse, ayant prêché de nombreuses retraites en foyer de charité

Homélie 30 T.O.C. 2007: Le pharisien et le publicain : une parabole de la justification par la foi (Lc 18, 9-14)

pharisien-publicain.jpgJésus disait une parabole pour montrer à ses disciples qu'il faut toujours prier sans se décourager (Lc 8, 1)

    C'était l'introduction à l'évangile de dimanche dernier. "Il faut toujours prier sans se décourager." Je vous le rappelle en ce dernier dimanche du mois du Rosaire. La prière n'est pas toujours une fête. Sinon, ce ne serait pas bien difficile d'y persévérer ! "Il faut", c'est l'expression habituellement employée par Jésus dans les évangiles pour parler de sa passion (et de sa résurrection), par exemple au verset 25 du chapitre précédent :

Il faut qu'il souffre beaucoup et qu'il soit rejeté par cette génération.

    Il faut, il faut ... Pour que le disciple puisse persévérer dans la foi en Jésus au milieu des tribulations, "il faut" qu'il prie sans cesse. Car croire en un Jésus rejeté, "éprouvé", est une épreuve aussi pour celui qui croit en lui. Or cette foi est nécessaire pour être "justifié". Comment alors être sauvé, puisque Dieu nous justifie d'une manière si déconcertante ? Et comment persévérer dans l'action de grâce au milieu des épreuves, quand seulement un lépreux sur dix revient sur ses pas pour rendre grâce alors qu'ils viennent de bénéficier d'une guérison miraculeuse ? Qu'est-ce que ce sera alors à l'heure de la croix ?

Mais le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? (v. 8)

    Cette question lancinante de la fin de l'évangile de dimanche dernier n'est pas simplement oratoire, et j'espère que vous ne l'oublierez pas de si tôt. Si nous ne prions pas sans cesse, la venue du Seigneur sera pour nous une épreuve insurmontable. Comme entrée en matière pour l'évangile de ce jour, on ne fait pas mieux !

    Quand Jésus viendra, trouvera-t-il la foi chez nous, au Vert-Pré ? Jeudi dernier nous avons célébré la solennité de la Dédicace de notre église paroissiale. C'est la foi de vos ancêtres qui a construit cette église parce qu'il n'y avait pas encore ici un endroit pour la prière commune, sinon un petit garage. Les conditions dans lesquelles ils l'ont fait étaient bien plus mauvaises que celles que nous connaissons aujourd'hui : ils étaient moins nombreux (une cinquantaine, contre six mille actuellement) et plus pauvres ; il n'y avait presque pas de routes, et elles étaient en très mauvais état ; leurs outils, s'ils en avaient, étaient beaucoup moins performants, etc... Il n'y avait pas non plus de curé pour s'occuper de tout ça. Ils se sont rendus par deux fois à l'évêché pour solliciter une aide financière, et ils n'ont pas eu un sou.

    Pourrait-on imaginer aujourd'hui, par exemple, les enfants du CM2 se retrousser les manches pour donner un coup de main pour l'entretien de l'église et de ses alentours, alors que ce sont ceux d'il y a 75 ans qui ont aménagé la voie d'accès à l'église ? Aujourd'hui on est plus fort pour salir et pour abîmer que pour nettoyer et pour édifier. Le toit de l'église et du presbytère prennent l'eau depuis des années. Personne ne se propose pour les réparer. Ne parlons pas de la salle paroissiale, qui a dû être rasée, et qui n'est toujours pas reconstruite ... Aujourd'hui on est plus fort pour critiquer, pour rouspéter et pour calomnier que pour prier. Il est vrai que pour cela on peut se passer d'une église, d'un presbytère et d'une salle paroissiale...

    Nous n'avons certainement pas de quoi nous glorifier. Mais est-ce que nous aurions de quoi nous gloritier si nous avions fait ce qu'ont fait nos ancêtres, si c'était nous qui avions construit ou réparé cette église, ou si c'était nous qui avions reconstruit la salle paroissiale ?

Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d'être justes et qui méprisaient tous les autres.

    Le pharisien de la parabole de ce dimanche n'est pas n'importe qui ... et il le sait. Lui, il en a fait, des choses ! Il jeûne deux fois par semaine, et il verse le dixième de tous ses revenus. Ce n'est pas rien. Il n'y en a pas beaucoup parmi nous, je pense, qui pourraient dire la même chose. Cela se verrait au montant de la collecte de la messe et ... aux mensurations de votre taille ! Et voilà que, en plus, ce pharisien pratique la prière d'action de grâce ! Mais il ne la pratique pas tout à fait comme le Samaritain guéri de sa lèpre. Il ne rend pas grâce de ce que le Seigneur a fait pour lui ; il rend grâce de ce que lui a fait pour le Seigneur.

    Le pharisien de cette parabole est l'équivalent, sous forme narrative, de ce que saint Paul appelle dans un discours spéculatif la justification par la loi. Remarquons tout de même que la pratique de la loi du pharisien présente des failles importantes, dans le domaine de l'amour du prochain, notamment. Il était convaincu d'être juste, et il méprisait "tous les autres"... En matière de charité fraternelle, on fait mieux.

    Le publicain, lui, illustre parfaitement ce que l'Apôtre veut dire quand il parle de la justification par la foi. Lui n'a rien fait de ce dont le pharisien se vante, et il a peut-être sur la conscience tout ce qui fait que le pharisien le méprisait. Et pourtant c'est de lui dont Jésus dit qu'il est "devenu juste". Vous y comprenez quelque chose, vous ? Ce que Jésus dit là a de quoi nous déboussoler. Cela voudrait-il dire que toutes nos bonnes actions ne servent à rien, et qu'il vaut mieux profiter de la vie en prenant son pied, comme on dit ?

    Évidemment pas. Ce que Jésus veut nous faire comprendre, c'est ceci : face à Celui qui vient, "le Fils de l'homme", l'attitude demandée est moins de faire quelque chose pour mériter sa venue et la récompense qu'il apporte, d'élaborer et de réaliser des projets (plus ou moins pastoraux) ..., que de s'ouvrir à cette venue en accueillant le don de Dieu, le don du salut dont nous avons tous besoin, puisque pécheurs nous le sommes tous. Contrairement à ce que pensaient les pharisiens, personne ne peut se sauver lui-même. Et a fortiori personne ne peut sauver les autres. Le Royaume de Dieu qui devient le Royaume des sauvés ne peut être que l'oeuvre de Dieu. Que nos richesses soient matérielles, morales ou spirituelles, personne ne peut acheter Dieu, personne ne peut le mériter.  Pour les pharisiens - et saint Paul en était, mais il s'est converti - l'erreur était de croire que l'on peut se justifier par la pratique de la loi.

    Pour ceux qui ne sont pas des pharisiens, ni même des Juifs, comme nous, quel est l'erreur contre laquelle Jésus nous met en garde actuellement ? Lors d'une précédente homélie je vous avais dit :

Il y a aujourd’hui une certaine forme d’humanisme qui fait pratiquement l’unanimité parmi nos contemporains. Et pourtant, ce n’est pas pour autant dans ces milieux très larges une porte ouverte à la lumière de l’évangile. L’humanisme peut être une manière élégante mais sournoise de tenir Dieu à l’écart, ou de se débarrasser de lui quand, décidément, il n’est plus raisonnable. Et l’on finit par adorer l’homme (ou Satan) à la place de Dieu.

    Dans son homélie sur l'évangile de ce jour, le Père Cantalamessa dit :

Bon nombre des soi-disant "nouvelles formes de religiosité", aujourd’hui en vogue, conçoivent le salut comme une conquête personnelle, due à des techniques de méditation, des habitudes alimentaires, ou à des connaissances philosophiques particulières.
Le prédicateur de la Maison Pontificale fait allusion ici au yoga, la médiation transcendantale, et aux sociétés secrètes comme la franc-maçonnerie et la Rose-Croix. Et il continue :
La foi chrétienne le conçoit comme un don gratuit de Dieu en Jésus-Christ, qui exige certainement des efforts personnels et l’observance des commandements, mais plus encore comme une réponse à la grâce que comme une cause de cette grâce.

    Le Seigneur ne nous demande pas d'en faire moins, plutôt de faire plus, mais surtout, de le faire autrement : non pas pour ensuite réclamer notre récompense ("le paradis") comme un dû, mais pour rendre grâce au Seigneur qui ne cesse de nous dire depuis que nous avons été baptisés :
Tout est prêt : venez au repas de noce ! (Mt 22, 4)
    Et notre réponse ne pourra être que de nous frapper la poitrine en disant :
Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit seulement une parole et je serai guéri.
    Ou bien, comme le publicain de la parabole :
Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis !
    Il y a une attitude qui se rencontrait jadis chez un certain nombre de militants d'Action Catholique, et qui est aujourd'hui assez répandue dans les milieux du Renouveau charismatique, qui consiste à penser qu'on est meilleur que les autres, et que ceux qui ne sont pas "des nôtres" n'ont aucune valeur spirituelle. On n'est pas loin du mépris pharisaïque dénoncé par Jésus.

    Il y a aussi des personnes, surtout des dames, qui viennent se confesser ... pour dire qu'elles n'ont pas de péché, et qui s'étonnent ensuite de ne pas recevoir l'absolution ! Je conseille à ces personnes de faire une bonne neuvaine au Saint Esprit pour lui demander la grâce de connaître, non pas tous leurs péchés - ce serait insupportable -, mais au moins quelques uns. Si je leur donnais l'absolution sans broncher, elles ne se convertiraient jamais tout en ayant bonne conscience. C'est ce ritualisme purement extérieur qui est dénoncé par Jésus. Vous voyez Jésus dire à ce pharisien : - Allez, c'est bon, vous n'êtes pas un mauvais bougre, et je ne vous en demande pas plus ?

    Ceci dit, ne pensons pas non plus pouvoir nous sortir d'affaire en nous servant de l'exemple du publicain comme d'un alibi pour nous installer dans une paresse spirituelle permanente. Ce serait aussi ... du pharisaïsme. Si nous sommes convaincus que Dieu est bon et miséricordieux, alors pourquoi continuer à l'offenser ? De deux choses l'une : soit nous ne croyons pas que Dieu est bon, et nous continuons de pécher en remettant notre conversion au lendemain ; soit nous croyons qu'il est bon, et nous prierons sans relâche pour supplier le Seigneur de nous aider à ne plus l'offenser et pour obtenir la grâce d'une vraie conversion :
Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen.
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